Dans la nature, tout concourt à maintenir l’équilibre, avec pour conséquence que les effets des rétroactions négatives peuvent mettre longtemps à se faire sentir. Dans le monde économique, plus l’entreprise est petite, plus elle ressent rapidement les revers de ses erreurs. A l’inverse, des entreprises de grande taille peuvent héberger des sous-systèmes dysfonctionnels qui seront mis à jour tardivement.
Une résilience extrême.
Dans sa conception, la permaculture intègre plusieurs principes qui soutiennent l’autorégulation. Par exemple, une fonction est remplie par au moins trois éléments et chaque élément remplit au moins trois fonctions. Cette diversité limite l’éventuelle croissance inappropriée d’un des éléments.
Comprendre le fonctionnement des rétroactions, qu’elles soient positives ou négatives est une formidable inspiration pour organiser son poste de travail, son entreprise ou tout autre système. Cela permet de concevoir sa propre activité de manière plus détachée, de concevoir des systèmes mieux autorégulés. Cette analyse peut sembler une perte de temps au premier abord mais à l’usage, elle réduit drastiquement le travail et l’instabilité générés par des actions correctives successives.
Principes de la rétroaction.
La rétroaction est un concept de l’approche systémique qui a été vulgarisé par l’ingénierie électronique. On reconnait avec plaisir lorsqu’on les vit les boucles de rétroaction positives ou spirales vertueuses qui agissent comme des accélérateurs qui poussent le système dans une direction souhaitée. A l’inverse, lors des rétroactions négatives ou « cercles vicieux », tout semble concourir à freiner le système et à l’empêcher de se développer.
Nous vivons actuellement une boucle de rétroaction négative planétaire dans laquelle la surexploitation ou de la mauvaise utilisation de l’énergie nous menace de pénurie et d’instabilité.
La clef de la stabilité.
La permaculture recherche de manière continue à instaurer des systèmes auto-entretenus. Les principes 8 (diversité) et 10 (intégration) permettent de s’en approcher. L’autonomie et l’efficacité énergétique de chaque élément du système font aussi partie des critères. Un système composé d’éléments autonomes est plus robuste face aux perturbations extérieures. En pratique potagère, on utilisera des variétés végétales (et animales) rustiques, semi-sauvages et capables de se reproduire. Un parallèle simple avec le monde de l’entreprise, serait une gestion décentralisée de petits systèmes autonomes disposant d’une bonne marge décisionnelle.
En poussant la métaphore plus loin, on peut relever qu’autrefois, une paysannerie auto-suffisante était considérée autrefois comme le fondement d’un pays fort et indépendant. Aujourd’hui, la mondialisation déstabilise l’économie puisque des effets locaux se propagent en cascade sur toute la planète. A l’heure des économies d’échelle planétaires, restaurer l’autonomie locale, individuelle permettra d’aborder plus sereinement la décroissance énergétique au devant de laquelle nous nous avançons.
L’auto-régulation.
Je suis souvent surprise de constater que les organismes (animaux, végétaux) tout autant que les individus s’adaptent à des rétroactions négatives à grande échelle en élaborant des mécanismes d’autorégulation très individuels. Certains marsupiaux sont capable de modifier leur durée de gestation pour s’adapter à un environnement peu accueillant.
En 2011, j’ai tenu un blog (révolutionnaire! 😉 sur la diminution de notre consommation de viande. « A l’époque », il n’y avait pas un seul livre de cuisine sans viande à la FNAC de Montparnasse. Indépendamment des remous culturels que suscite l’actuel engouement pour une alimentation davantage végétale, il me semble que nous nous adaptons, finalement plutôt vite et efficacement. Pour autant, le choix de son alimentation reste éminemment individuel.
Notre société moderne nous a donné l’habitude de satisfaire nos besoins en devenant fortement dépendants de systèmes à grande échelle. Paradoxalement, cette asservissement était vendu avec l’illusion d’être totalement libres dans nos actions, sans contrôle externe. Ce déni de la rétroaction à petite échelle nous expose aujourd’hui à une rétroaction à grande échelle. En voulant bien faire, nous avons voulu concevoir des systèmes durables à l’abri des aléas des rétroaction négatives. C’est comme vouloir élever des enfants dans un environnement aseptisé et surprotégé : cela conduit à des risques futurs encore plus sérieux.
Dans l’entrepreneuriat, cette acceptation de la rétroaction s’appelle la gestion du risque. Le risque nul n’existe pas. Il faut savoir écouter les premiers signes de rétroaction et s’auto-réguler rapidement. Du fait des changements rapides de l’environnement et de la technologie, il n’y a plus de solution toute faite. Il faut sans cesse être créatif et se réinventer.
De l’usage des rétroactions.
La possibilité d’utiliser les premiers signaux de rétroaction que la nature nous envoie pour favoriser des comportements durables et prévenir la surexploitation, est contre toute attente, une aubaine.
Il convient de choisir des rétroactions négatives bien ciblées et suffisamment fortes pour susciter un changement. Mais pas trop fortes, au risque d’obérer le développement futur du système. Expérimenter la récupération et l’utilisation de l’eau de pluie dans une maison fait rapidement et efficacement prendre conscience des limites en quantité et en qualité. C’est une rétroaction négative ciblée et efficace.
Au sein d’une entreprise par exemple, laisser un collaborateur se tromper. Lui laisser la marge de manoeuvre pour constater les conséquences de son erreur et en tirer lui-même les conclusions constitue un usage efficace de la rétroaction négative. Reste à savoir si notre besoin de prédictibilité et de contrôle peut s’accommoder d’une telle « imperfection ».
Pour découvrir les autres principes de la permaculture :
Principe 1: Observer et interagir.
Principe 2: Collecter et stocker l’énergie
Principe 3: Créer une production
Principe 4: Appliquer l’auto-régulation et accepter la rétroaction
Principe 5: utiliser et valoriser les services et les ressources renouvelables
Principe 6: Ne pas produire de déchets
Principe 7: Partir des structures d’ensemble pour en arriver aux détails
Principe 8: Intégrer plutôt que séparer
Principe 9: Utiliser des solutions à des petites échelles et avec patience.
Principe 10: Utiliser et valoriser la diversité
Principe 11: Utilisez les interfaces et valoriser les bordures
Principe 12: Utiliser le changement et y réagir de manière créative.