Le choix du féminin par défaut.

livres Oct 30, 2017

Dans le cadre des activités de mon entreprise K etc – L’agence de rédaction, c’est un exercice quotidien. Nous demandons à nos clients : «Avez-vous une charte éditoriale? Utilisez-vous le langage épicène? L’écriture inclusive? Quel est votre rapport au genre?»
Au moment d’écrire mon propre livre, Blooming People, la question du rapport au féminin dans l’écriture s’est aussi posée et j’ai choisi d’y apporter une réponse… hors cadre.

La conquête du féminin à l’écrit.

Le langage épicène vise à rendre neutre le langage du point de vue du genre. L’écriture inclusive, quant à elle propose l’usage du point median pour alléger la rédaction.

Mon entreprise K etc – L’agence de rédaction rédige au quotidien des textes pour des clients institutionnels. Petites et moyennes entreprises, et aussi grands groupes, institutions publiques, fédérations sportives, etc.

Je suis toujours très surprise du non-positionnement de ces entités vis-à-vis de la question du genre dans l’écrit. Dans les faits, cette décision revient ipso facto (dans 90 % des cas) à la sensibilité personnelle du chef ou de la cheffe de projet. Il n’y a pour ainsi dire jamais de décision d’entreprise à ce sujet, à l’exception notable des services publics de Suisse romande. Ces derniers vont au-delà, se posent en exemple, avec le soutien des bureaux de l’égalité romands. Il existe d’ailleurs un guide d’aide à la rédaction administrative et législative qui encourage à se conformer à la loi sur l’égalité. Un équivalent est disponible pour l’écriture inclusive.

Mais dans la pratique, les choses trainent. L’exemple qui me touche le plus est celui de grands acteurs sur le marché des ressources humaines. Un grand silence plane sur le sujet. Rien. Pas de prise de position institutionnelle. Alors la décision résulte de « petite cuisine contextuelle ». S’il se trouve que mon interlocuteur estime que «c’est plus joli si on ne mentionne pas le féminin», un poste de travail sera, par défaut, proposé au masculin. Dans le pire des cas, le féminin est réservé à certaines professions, dans l’intitulé ou dans le descriptif (au hasard : femme de ménage, secrétaire) à côté d’un masculin supposé être implicitement compris comme hermaphrodite. Si mon interlocuteur est ouvert sur le sujet, un soin particulier y sera porté et cela deviendra progressivement une habitude au sein de l’entreprise.

Est-ce que c’est grave?

En pratique, non. En tous cas pas d’un point de vue commercial. Les postulantes ont d’autres priorités, l’habitude de ne pas être mentionnées dans leur genre, elles postuleront quand même. Ce n’est pas un obstacle majeur. C’est hors la loi, tout comme les inégalités salariales, mais on n’a encore jamais vu qui que ce soit inquiété pour cela. Il n’y a pas de levier de changement.
Dans l’absolu, c’est beaucoup plus dérangeant: c’est une négation de la parité, une mise sous silence du féminin dans la société, dans l’économie. Un déni… de la moitié de la population…

 

En quoi c’est étonnant?

Notre monde évolue très très vite, la concurrence fait rage, le numérique permet de décliner mille et une version à moindre frais. On parle de profilage des prospects, de médecine sur mesure… Mais on butte sur la première marche de la personnalisation : le genre. Ces entreprises passent à côté d’une possibilité de se démarquer favorablement auprès de 51% de leur public cible.

En quoi ça me trouble?

Pour finir c’est le·la rédacteur·trice en charge du projet qui aura une influence importante. La décision appartenant par défaut à notre interlocuteur·trice, le persuader revient à faire évoluer drastiquement le rapport de l’entreprise au genre. De la même manière, un choix d’écriture épicène ou inclusive sera balayé par un membre hiérarchiquement plus influent avec une facilité déconcertante. Encore plus étonnant, les femmes cheffes de projet ne sont absolument pas les plus enthousiastes sur le sujet. Je comprends à le côtoyer que le secteur des ressources humaines est particulièrement clivant sur la question du genre.

Le monde évolue, les rapports hommes-femmes aussi. Il est pour moi logique et juste que la langue intègre ce progrès. L’adoption de l’égalité des genres dans l’écriture me choque moins que l’abandon de l’accent circonflexe adopté lors de la dernière réforme de l’orthographe.

Blooming People est écrit au féminin par défaut.

Tout cela pour en venir au fait que je me suis demandé si cela aurait un quelconque effet d’écrire le livre Blooming People au féminin par défaut. L’exercice m’intriguait. Pour le faciliter, j’imaginais que j’écrivais à mes collègues Mampreneurs. Dans le gynécée de notre association, le féminin prend naturellement sa place. Et pourtant, les conditionnements ont la vie dure. Malgré les relectures, je n’exclue pas de découvrir encore quelques oublis.

Cet exercice de style est espiègle. Je n’ai pas d’autre prétention que d’inviter chacun et chacune à explorer ce que l’on peut ressentir à la lecture d’un livre écrit différemment. Il s’adresse tant aux hommes qu’aux femmes et encourage une prise de conscience.

Les réactions ont été surprenantes, en bien. Les femmes surtout, se sentaient davantage touchées. Elles me rapportaient «je me sentais plus concernée, comme si ce livre était vraiment écrit pour moi». Ce sont également ces femmes qui m’ont soutenue lorsque j’ai choisi la voie de l’auto-édition pour préserver ce féminin perçu par les éditeurs comme un défaut réel. «Les hommes ont déjà plein de livres de finances écrits rien que pour eux, laisse-nous le tien.» me disaient-elles.

Du côté des hommes lecteurs, les réactions m’ont aussi confortée dans mon choix. «Oui, c’est un peu étrange au début, mais au bout de quelques pages on s’y fait très bien, l’intérêt du livre est au-delà de sa forme».

Et vous, qu’en pensez-vous ?

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