Inspirations Macro-économiques par Jean-Pierre Danthine

La semaine passée, j’ai participé au premier Forum de l’économie Durable, organisé par la CVCI, la chambre vaudoise du commerce et de l’industrie. Cette manifestation fort instructive a été inaugurée par des personnalités politiques, appuyées par des avis de spécialistes scientifiques. Le Prof. Jean-Pierre Danthine est notamment intervenu pour répondre à la question "Peut-on croitre dans les limites planétaires?" 

Sortir de ma réserve sur les opinions des scientifiques.

Je me suis fait la remarque que, même si je fréquente très régulièrement ce type de conférences, je n’en relayais presque jamais le contenu et que je citais rarement les scientifiques.

C’est lié à la pratique « tout ou rien » qui règne en maître dans  notre manière d'élaborer une opinion, au manque de nuances. Si on cite un scientifique ou un auteur, c’est assimilé à approbation de l’ensemble de l’œuvre ou des recherches, passées et futures. Ce qui ne saurait être exact.

J’aime postuler que « je sais que je ne sais pas », trouver un sujet intéressant sans prétendre y déceler une vérité, combiner les opinions, même (et surtout ?) divergentes, affirmer que « ne pas être contre » ne signifie pas « être pour » et finalement laisser émerger non pas un postulat mais une sensation, par définition subjective, humble et prête à évoluer donc très éloignée d'une approche scientifique. 

Aujourd’hui, je sors de ma réserve habituelle et je vais vous parler de la conférence du Prof. Jean-Pierre Danthine intitulée « Croître et innover dans le respect des limites planétaires ».
Ce texte concerne exclusivement cette intervention et non l’ensemble de ses travaux (que j’avoue ne pas connaître dans le détail.)  

Faut-il changer le système ?

 Prof. Danthine défend la démocratie, une économie mixte, mélangeant le public et le privé. L’État commande et l’État, c’est nous, citoyen.ne.s.
Cela peut poser des problèmes car pour faire évoluer le système, il faut que la majorité d’entre nous, votant.e.s, soit convaincue, ce qui implique une bonne éducation. Renforcer la démocratie, c’est éduquer. Il faut faire évoluer les compétences citoyennes mais pas changer le système.

Peut-on maintenir une croissance ?

 Prof. Danthine commence par un rappel qui est celui de la puissance des intérêts composés. Une croissance, même minime, projetée sur des années peut devenir colossale.

Il n’y a pas de corrélation entre l’augmentation du PIB et le bonheur ressenti. Les appels à la sobriété matérielle sont donc justifiés car les limites planétaires doivent être respectées. Actuellement, la croissance économique est dopée par un capital naturel qui est volé aux générations futures.
À ce jour, une dissociation PIB/décroissance des émissions de gaz à effet de serre n’a encore jamais été observée.

Une croissance pourrait être maintenue en combinant une forte innovation et des changements de comportements importants.

Le vrai défi : peut-on croitre et innover dans les limites planétaires ?

La croissance dépend de l’innovation.
Cette innovation est à la fois technologique et organisationnelle (meilleure gestion). C’est la capacité à faire plus avec moins en faisant évoluer ces deux composantes.

Les limites planétaires sont un élément crucial à la compréhension de l’équation. Jusqu’ici, les précieuses ressources naturelles n’ont jamais été gérées par le marché. Les prix ne reflètent pas la rareté des ressources.

Pour préserver le patrimoine planétaire, il faut donc une intervention de l’État visant à rétablir l’équilibre (taxe carbone par exemple). On ne peut pas distribuer des dividendes à des entreprises qui détruisent la valeur sociétale.

Dès lors, il se créée une tension car historiquement, plus l’État est présent dans l’économie, moins il y a d’innovation et cela entraine des pertes de productivité.

Nous devons opérer une rencontre historique entre l’économie et l’État.

D’une part les entreprises doivent anticiper en intégrant les valeurs sociétales à leur modèle d’affaire.

D’autre part, l’État doit amorcer une intervention de la manière la plus intelligente possible.

C’est à ces conditions que l’économie (et non la consommation) peut continuer à croitre dans les limites planétaires.