Il y a beaucoup de manières de rencontrer un livre. Celui-ci est venu à moi. C’est le type de livre qu’on se réjouit d’avoir entre les mains. Qu’on lit du bout des mots pour le faire durer encore. Il traite d’un sujet essentiel, fondamental, une clef de notre société et de sa transition : risquer la liberté, oser un monde sans repère.
Le fil d’un dessin
C’est probablement un minuscule dessin, dans un majestueux musée bernois qui a éclairé le chemin qui m’a mené jusqu’aux lignes de Fabrice Midal. Le dessin d’un ange trop incertain, trop imparfait, trop proche pour avoir quoique ce soit d’un ange. Le genre d’œuvre picturale qui vous saisit jusqu’aux os et que vous ne quittez des yeux qu’à regret, en ayant la sensation d’avoir saisi quelque chose sans pouvoir dire quoi.
Cette ligne gracile, ce fil ténu, cette œuvre majeure de Miro m’a refait de l’œil du fond d’un librairie de gare parisienne, un soir froid et obstinément sombre de décembre. Le titre « Risquer la liberté – vivre dans un monde sans repère » résonne comme un vacarme. Je regarde autour de moi, mon blog et mon livre en tête. Quel est l’obstacle ? Quelle est la peur ? Quel risque y a-t-il à s’affranchir d’un mode de vie qui ne sait plus que détruire ?
Questionnements sur un quai de gare.
Quel est l’enjeu d’une vie plus libre ?
Je regarde des silhouettes d’inconnus, accrochés à leurs téléphones portables, à leurs habitudes, à leur travail, à leur argent, à leurs petites exigences de ponctualité ferroviaire, à leur incommensurable difficulté à vivre ensemble, à n’échanger ne serait-ce qu’un peu de politesse, dire bonjour à son voisin lorsqu’on s’asseoit dans le train.
« Partout, nous détruisons le présent et par là, la possibilité pour les êtres humains de vivre dans la dignité »
Dans le train, j’ouvre le livre comme on ouvre une porte. Tout est là. Vivre notre vulnérabilité. « Ce bouton si douloureux qu’on ne peut veut pas le frotter ni même l’effleurer. On ne l’aime pas. On voudrait être dur et se préserver de cette sensibilité. »
S’appuyant sur Chögyam Trungpa, Nietzsche, Rainer Maria Rilke, Francis Midal met à jour la plaie de notre sensibilité, nous enjoignant à la vivre pour renouer avec notre essence. Cette constante imperfection, cette délicate humanité, cette insondable et effrayante fragilité sur laquelle nous flottons, nous gardant bien d’apprendre à nager.
Et que se passe-t-il quand on ose ?
En ce qui me concerne, j’ai écrit un livre, appris à vivre avec le vertige. Cessé de juger et quelque part, commencé à respirer.
Et puis ouvrir les yeux, voir l’évidence : la grande absente de notre société, de notre actualité, c’est notre liberté intérieure.
Article rédigé en écoutant Seize the Day, de Wax Tailor – Phonovisions